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Interview avec Yves Tchao fondateur du Ride All Day skateboard shop

La gazette est allée à la rencontre d’Yves Tchao, fondateur du Ride All day Skateboard Shop, le plus vieux skate shop de Belgique, situé à Bruxelles. Comment est-il tombé dans la skate ? Quand a démarré l'aventure Ride All Day ? Yves nous parle de sa passion pour la skate et des difficultés de tenir un skate shop aujourd'hui.

 Ride All Day

 Ride All Day

Alors que j'ouvre la porte du shop, je découvre Yves à son atelier juste derrière le comptoir en train de monter une planche de skate. 

Salut Yves, pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m'appelle Yves Tchao, j’ai 59 ans et je suis fondateur du shop Ride All day à Bruxelles. Je suis né dans les marolles à St pierre mais j’ai grandi à Uccle. Je suis l’un des rares rescapés de la première vague de skateurs qui a déferlé sur l'Europe dans les années 70.

Comment es-tu tombé dans le skate ? 

J’ai commencé à faire du skate en 1977 à l'âge de 11 ans car c’était à la mode. Quand la mode est passée, je n’ai jamais arrêté d’en faire.

Quelle est la place du skate dans ta vie ?

J’ai fait du skate toute ma vie, c’est un besoin que j’ai. Quand je ne skate pas pendant plusieurs jours, je me mets à rêver de skate. Dans mes rêves je skate comme un dieu et je mets des tricks que je ne pourrais jamais mettre haha.

Tu skates toujours aujourd’hui ?

Je suis toujours à fond dans le skate malgré l'âge. J’ai skaté intensivement pendant longtemps, peut-être un peu trop. A l’époque je ne voyais que le skate. Pour te donner un exemple, la seule chose dont je me souviens de Prague ce sont les spots de skate. Alors que si je devais y retourner aujourd’hui je serai émerveillé par la ville, je rentrerai dans les églises et les bâtiments historiques.

Quand a démarré l’aventure Ride All Day skateshop ?

J’ai ouvert le magasin en Avril 1994. C’est le plus vieux skate shop de Belgique.

Faut-il être skateur pour tenir un skateshop ?

Pour moi un mec qui vend des skate mais qui ne fait pas de skate ce n’est pas compatible. Je vends des skate parce que je suis un passionné de skate sinon je ferai autre chose. Le skate tu connais que si tu skate.

Ouvrir un skate shop aujourd’hui c’est compliqué ?

Oui, ouvrir un skate shop et se faire une clientèle c’est aujourd’hui très difficile. J’ai la chance d’avoir encore pas mal d’anciens clients et des habitués. J’ai aussi beaucoup de clients flamands. La gare centrale étant juste à côté, ça aide.

C'est aussi difficile avec la concurrence d'Internet. C’est triste, parce qu’il y a eu une époque où un skate shop, c’était la deuxième maison de tous les skateurs. Maintenant, quand je croise des gamins dans la rue et qu’on parle de matos, ils me disent qu’ils achètent tout en ligne. Ils passent à côté de l’expérience de venir dans un shop. Rencontrer des gens, se donner rendez-vous, mater une vidéo première, feuilleter un magazine. Tout ça, c’est fini.

En parlant de site web, Ride All Day n’en a pas, pourquoi ?

Il y a eu un site un jour mais il n'y avait pas beaucoup mouvements. Un site web pour le maintenir et qu’il soit sérieux c’est comme un deuxième magasin pour peu de bénéfice. Moi je veux voir les gens. Quand quelqu’un rentre dans le magasin il y a directement une connexion car il s’intéresse à un truc qui est ma passion. Le contact est facile alors que dans l’ensemble je ne suis pas le plus sociable haha. J’aime bien accueillir les gens, les conseiller, les voir partir avec un grand sourire. Sur le net ça n’existe pas ça..


Aujourd’hui je fais tout avec les réseaux sociaux, ça me suffit et c’est gratuit.


Quel est ton avis par rapport à tous ces achats faits en ligne ?

Les gens sont fainéants, c’est aussi une des raisons pour laquelle les gens achètent en ligne. Ils achètent en ligne et puis disent que c’est dommage que les magasins ferment. Les mauvaises expériences sur internet les ramènent parfois dans les magasins mais encore faut-il faire l’effort de venir une fois.


Moi ce qui me dérange avec le business en ligne c’est l’aspect écologique. Tous les petits paquets, le plastique, le carton, les retours, je vois des camionnettes de livraison tous les jours dans la rue.


Le skate a eu des années d’or ?

Il y a eu plusieurs vagues, la dernière c’était pendant le covid où il y a eu une énorme demande. Beaucoup de gens se sont mis au skate ou on recommencé à en faire.


Comment s’est passée la période covid ?

Durant la période covid je me suis senti hyper utile. Les gens ont fait appel à moi, je faisais des livraisons dans tout Bruxelles, j’envoyais des colis, je recevais les gens discrètement. Il y a eu la période de rendez-vous et j'étais booké tout le temps.


Qu’est-ce que les gens apprécient chez Ride All Day ?

Je mise tout sur le service et l’accueil. J’entends souvent “Ça c'est encore un vrai skate shop”. Aux US, les chaînes comme Zumies qui sont dans les centres commerciaux, tu n'as pas l’atmosphère du véritable skate shop comme tu as ici dans le magasin. Je pense que c'est ce que les gens apprécient. 


| Tes valeurs impactent-elles ton shop ?

Ma personnalité imprègne le shop, je suis un puriste. J’ai une éthique par rapport à la manière dont je gère mon magasin. Je n'ai jamais voulu vendre de marques comme Nike SB ou Adidas même si, commercialement parlant, ce n’est pas ma meilleure décision. Mais au moins je dors tranquille haha.


Pourquoi refuser ces marques ?

Où est la légitimité de ces marques dans le milieu du skate ? Elles ne sont pas là parce qu'elles sont fans de skate, elles sont là pour les profits que génèrent la vente de chaussures. Elles ont bien compris que c’était un sport où tu utilises beaucoup de chaussures. Je ne casse pas du sucre sur elles, elles font des bonnes chaussures mais je critique leur légitimité. Après si ça peut payer des pro pourquoi pas.


Qu’est-ce qui fait que Ride All Day est toujours là après toutes ces années ?

La longueur d’avance que j’ai eu sur les autres magasins c’est que je ne suis pas là pour faire du fric. Je suis fan de skate, je veux soutenir la scène skate et je veux être présent.


Comment se porte le shop aujourd’hui ?

Le magasin continue à tourner mais par rapport aux années d’or ça n’a plus rien à voir. Je m’en sors bien car j’ai peu de frais. Je vis simplement, je ne suis pas bling bling mais je ne manque de rien et je fais un métier que j’aime. Pour moi c’est le plus important. Je souhaite à tout le monde de faire un métier qui a du sens.


L’avenir du shop tu le vois comment ?

Je le vois stable. Je ne peux plus imaginer une croissance et comme je suis en fin de carrière ça me satisfait. Idéalement, le jour où je me retire, ce serait de le mettre dans les mains de quelqu’un qui a le même esprit et qui va assurer la continuité du shop mais on y est pas encore.


Un petit mot sur le skate aux Jeux Olympiques ?

Ça ne me fait ni chaud ni froid, ça me fait plaisir de voir une reconnaissance du skate en tant que sport et ça me fait un peu chaud au cœur quand je vois la foule qu'il peut y avoir dans une compétition. Mais ça ne change rien à ma vision et à ma manière de faire du skate. Il y aura toujours d'un coté des gars qui veulent concourir, montrer qu’ils sont les meilleurs et puis de l'autre des gars qui vont skater avec leurs potes et qui vont créer un spot DIY en dessous d’un pont. Pour ce genre des gars ça ne change rien que le skate soit aux JO.


Est-ce que l’avenir du skate est inquiétant ?

Oui et non car il y a beaucoup de jeunes qui commencent le skate. Je vois pas mal de gamins qui achètent leurs premiers skate donc il y a un avenir.


Pour finir cette interview, tu as, en avril dernier, fêté les 30 ans du Ride All Day au BYRRRH & SKATE. Qu’as-tu pensé de l’event ?

J’ai eu que des bons échos et ça m’a fait plaisir. Perso j’en ai pas trop profité. Organiser un event c’est un métier. On a eu beaucoup de chance avec le temps et le concert était presque sold out. Je suis super content de l’avoir fait mais je ne le referai plus. On fera peut-être un truc plus intime aux 35 ans si je suis toujours là pour un petit événement d’adieu.


Photo prise durant les 30 ans du Ride All Day, au BYRRRH & SKATE



Fin de l'article

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Merci à Yves cette interview !


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